mardi 29 octobre 2024

Jean Yanne : Chansons et sketches (Barclay, 2003)

 


Je connaissais Jean Yanne, comme tout le monde, depuis à peu près toujours (j’étais juste assez grand pour voir Deux heures moins le quart avant Jésus Christ à sa sortie au cinéma, en 1982). Sacré personnage, à la fois acteur, metteur en scène, comique, chroniqueur radio et télé… mais aussi chanteur et compositeur.

Les disques de lui qu’on trouve le plus facilement sont ses sketchs (Le permis de conduire, Les routiers…) qui ont dû être très populaires à l’époque, mais qui ne sont pas non plus géniaux (à écouter une fois, ça va). Ensuite, il y a les BO qu’il a composées ou produit, pour ses 7 films en tant que réalisateur, de 1972 à 1984 et qui recèlent quelques perles ici et là (je n’ai d’ailleurs pas encore tout entendu), mais dans l’ensemble, ça sonne assez disco et musique commerciale de cette époque.

Par contre, il y a aussi quelques trucs qu’il a enregistrés avant, dans les années 60. Et là, il y a des chansons vraiment excellentes ! J’avais déjà vu le scopitone de J’aime pas le rock sur Internet ou à la télé, mais c’est seulement quand cette compilation CD est sortie en 2003 que j’ai pu entendre toutes ses œuvres de jeunesse. Et alors, quelle belle claque ça a été ! Ce beau CD cartonné recèle en plus un livret d’une vingtaine de pages, avec textes et photos. Il y a 25 titres, dont 3 sketches à la fin, ce qui fait 22 morceaux de musique, tous chantés par Jean Yanne. Ils sont présentés par ordre chronologique, de 1958 à 1966.

Il a fait un premier EP en 1958, d’où se démarque surtout l’excellent La légende orientale, dans un style cha-cha « oriental », c’est-à-dire incorporant des influences rythmiques et mélodiques de musique arabe ou magrébine (il y en avait pas mal à cette époque, comme le standard Mustapha ou encore plusieurs chansons d’Henri Genès). Bonne musique entrainante et paroles amusantes, sans oublier une belle voix, très chantante et originale, avec une diction très ciselée. J’ai aussi un faible pour La gamberge, dans un style beaucoup plus classique et sérieux, très années 50, sur un rythme de valse, assez touchant, comme a pu l’être parfois Bourvil (Le petit bal perdu) ou encore Gainsbourg a ses débuts (La chanson de Prévert).


Ensuite, Jean Yanne a sorti deux autres EP mais pas sous nom, ce qui complique un peu les recherches discographiques. En 1960, c’est sous le nom incongru de « Honzlagur Pompernickel et sa dame » qu’il sort « Le disque le plus triste de l’année », avec 4 nouvelles chansons bien marrantes, dans un style musical très jazz, cette fois-ci. Mes préférées sont Psychose et Allo… Sasha… ?, cette dernière sonnant déjà assez rock, ce qui annonce la suite.


En 1961, il sort un EP sous le nom de « Johnny 'Rock' Feller et ses 'Rock' Child », et là ça y est : 4 titres de bon rock’n’roll avec un chouette son de guitare électrique et de batterie. Bon, la musique reste encore assez bon enfant, du genre orchestre pour surprise partie, avec du saxo et des chœurs, pas trop déjanté mais dansant et joyeux. Le rock coco est très marrant, avec des cris de perroquets tout du long. Saint-rock est une sorte de délire sur la Marseillaise revue en version twist (« et que le rock abreuve nos microsillons ! »). Autre recyclage au goût du jour twist, la reprise de Je ne suis pas bien portant est une grande réussite. La version originale de Ouvrard date des années 30 et est très drôle mais fort datée dans son style musical. Sa transposition sur un rythme rock fonctionne super bien. Et enfin, l’excellent J’aime pas le rock démarre sur les chapeaux de roues, avec un super riff de guitare bien soutenu par une batterie tonique, une intro qui ferait un sacré bon sample à réutiliser. Et une chanson à énumération avec une scansion géniale de Yanne où son personnage déverse son dégoût du rock sur des rimes en -able (il est intolérable, il est insupportable, il est inqualifiable…) Il faut absolument voir le scopitone, les grimaces rajoutant encore du sel à son assaut !

Signalons aussi que ce disque a déjà été chroniqué par notre cher camarade Pol Dodu sur Vivonzeureux ! https://vivonzeureux.blogspot.com/2016/07/johnny-rock-feller-et-ses-rock-child.html


Après une parenthèse de 3 ans, Jean Yanne sort un nouvel EP en 1964, sous son nom propre. L’eunuque est le premier et le meilleur titre du lot, l’un de mes préférés d’entre tous. C’est son deuxième dans le style cha-cha oriental, mais il est encore mieux que le premier, avec une lead guitare électrique digne de celle de la BO de Ne nous fâchons pas, une super compo musicale et un texte drôle et absurde, très bien foutu, sans oublier un chant à la diction toujours aussi classe ! Sur Mon cher Albert, on a un mélange de rythme déjà quasi jerk avec des arrangements de musique classique : étonnant, deux ans avant le Sergeant Pepper des Beatles et toutes les autres expérimentations qui l’ont accompagné (Stones, Who, Beach Boys, Ekseption, etc., etc.) ! Les deux autres titres sont funs mais très peu pop musicalement.



En 1965, encore un nouvel EP sous son nom, avec un brûlot qui fit son effet en revendiquant la réouverture des maisons closes ! Rouvrez les maisons est un très bon jerk, soutenu par un orgue et des chœurs féminins. Avec un texte polémique typique de Jean Yanne, mi-provocateur, mi-réac, mais très drôle dans sa facture en tout cas. Je m’étais toujours demandé si le refrain se terminait par « Rouvrez-les maisons, qu’on dérouille », ou bien « qu’on verrouille », mais après vérification, c’est bien « qu’on dérouille » que chantent les charmantes choristes ! C’est très limite, pour sûr, surtout vu d’aujourd’hui. Après, c’est là toute l’ambiguïté de Jean Yanne, un type à la fois bourré de talent, drôle, séduisant et respectueux de ses compagnes, mais aussi un type parfois cynique, misanthrope, misogyne et populiste. Surfant sur la « révolution » dans les années 70, sans illusions mais en dénonçant magistralement la publicité et la démagogie du monde politique et économique, puis finissant par devenir plutôt réac, en pilier des Grosses têtes sur la fin de sa vie. Malgré tout, il reste pour moi un artiste marrant et attachant, surtout en tant que chanteur et acteur.


Pour revenir à nos moutons, le meilleur est à venir sur ce EP de 1965, avec Le pauvre blanc, un délire sur l’histoire d’un blanc qui voudrait chanter aussi bien qu’un noir - comprendre ici qu’il voudrait posséder autant de groove qu’un Ray Charles. Cela fait bien sûr penser à l’excellent titre de Nino Ferrer Je voudrais être noir, sorti à peu près à la même époque. Tout Jean Yanne est là, avec une intro façon musique religieuse, suivie par un rythme & blues excellent, et des arrangements kitsch mais top, avec moults chœurs féminins (« Oh, seigneur ! ») et des breaks de batterie, annonçant ses futures BO de films des 70’s ; avec des textes toujours socio-provoc, évoquant les ouvriers de Renault Boulogne-Billancourt ou le « blanco-spiritual » en guise de nouveau style musical. J’ai découvert récemment qu’il y a une vidéo INA de ce morceau, avec même une chorégraphie : excellent !


Et pour finir, on a deux grosses cerises sur le beau gâteau, en 1966 : un EP fait à deux avec son comparse Jacques Martin, parodiant sur 4 titres Les Elucubrations d’Antoine ! Ils chantent deux titres chacun, mais le CD ne contient que ceux de Jean Yanne, qui sont de toute façon clairement les meilleurs (ce 45t est relativement facile et abordable à se procurer, contrairement aux autres cités jusqu’ici). Le premier, Hue donc ou les Emancipations d’Alphonse, est une parodie façon Les Charlots, avec une voix de paysan et des paroles super débiles et drôles. Pour les Charlots comme pour Nino Ferrer ou pour les Beatles, on est en droit de se demander si Yanne a suivi l’air du temps ou s’il ne l’a pas un peu précédé ! Vu que le premier EP des Charlots avec leur première chanson façon paysanne (Je dis n’importe quoi, j’fais tout ce qu’on m’dit) sort lui aussi en 66. Mais la deuxième parodie des Elucubrations est encore meilleure : Les revendications d’Albert, sur le mode militant ouvrier communiste (« Les camarades m’ont dit : laisse-toi pousser les ch’veux, pour l’action syndicale on fait rien de mieux… »). Le tout sur fond d’harmonica et d’orgue, alors que la version d’Alphonse est plutôt sur fond de guitare fuzz ; les deux morceaux sont excellents.


Malheureusement, sa production musicale s’arrête ici, pour ne reprendre qu’au début des années 70, mais s’il avait enregistré en 67/68, on aurait sûrement eu droit à des trucs psychés super barrés au niveau sonore. Plus tard, il restera quelques expérimentations notables à venir, notamment en collaboration avec Michel Magne, mais c’est une autre histoire…

 



Quelques autres informations discographiques :

Les 45tours EP de Jean Yanne sont très rares et coûtent un bras (du genre 100€ l’exemplaire). Ils sont tous sortis sur Barclay sauf ceux sous pseudonymes, qui sont sortis chez Fontana. Et il n’y a pas eu de sortie d’album vinyle regroupant ses chansons des années 50-60 (uniquement un 25cm en public à l’Olympia, de 4 titres (mi-chansons mi-sketchs) en 1958 et un 33tours de sketches, en 1966).

Il aura donc fallu attendre des rééditions en CD, d’abord une dans la collection Master série de Polygram, en 1994. Celle-ci reprend tous les premiers EP, sauf celui de Honzlagur Pompernickel. Il n’y a donc que 18 titres, contrairement à mon CD Chansons et sketches sorti sur Barclay en 2003 (l’année de sa mort) et contenant 22 titres musicaux (+ les 3 sketchs de 1966).


Mais trois autres compilations CD sont parues depuis, dont deux en 2017. Le misanthrope provocateur (EPM Musique) n’offre pas grand intérêt de par sa sélection incomplète, sauf qu’il réédite les 4 titres de 1958 live de l’Olympia (Jean Yanne et son guide chant) et un autre morceau inédit : Allo Brigitte, sorti en 1960 sur Fontana, qui est une collaboration avec Henri Salvador. 

Je pense qu’elle n’a pas été retenue sur les autres compiles car Jean Yanne y fait juste de petites interventions parlées pendant les breaks de ce cha-cha (tout comme Salvador et Gillian Hills). Mais c’est un bon titre, qui a d’ailleurs été réédité sur la compilation Voulez-vous cha cha de Born Bad Records en 2019.


L’autre CD de 2017, Prince de l'humour pince-sans-rire, au vitriol et de l'autodérision, est un double album, de 33 titres en tout, au contenu assez foutraque (avec un titre sympa mais une pochette particulièrement moche), qui fait avant tout la part belle à ses sketchs, dont certains étaient sans doute inédits sur disque, suivis par la plupart des EPs (mais pas tous) et quelques collaborations, dont à nouveau le Allo Brigitte… Mais un ajout très intéressant à noter ici est la présence de la chanteuse Ginette Garcin, avec deux chansons écrites par Jean Yanne : L’absinthe et surtout Cresopraxipropanediol en capsule ; un titre bien drôle et bien rock, qui a été déterré sur quelques rares compilations, dont le volume 10 de la série Girls in the garage (à part ça, 95% de la production musicale de Ginette est constituée de chansons très vieille France). 


Dernier titre intéressant sur ce CD : Scotch cha-cha, qui est la face B de Allo Brigitte, toujours en duo avec Salvador, et avec un peu plus de texte parlé que sur la face A ; bon morceau. Ce 45t n’est pas trop difficile à trouver.


Pour finir, la dernière compile CD est due au label Frémeaux, réputé pour faire des rééditions très complètes et documentées. Je n’ai pas pu l’avoir entre les mains, mais le track listing est assez conséquent, avec 38 titres au total, l’originalité étant que le 2ème CD est consacré uniquement à des interprètes de chansons de Jean Yanne, dont Philippe Clay, qui semble avoir été le premier interprète de La gamberge, ou encore Line Renaud… Sur le premier CD, on retrouve le 1er EP de Jean Yanne (La Gamberge) et le 25cm en public (tous les deux de 1958), plus les deux EP sous pseudonyme (le Honzlagur et le Johnny Rock Feller) mais pas les 2 EP de 64 et 65, ni celui avec Jacques Martin parodiant Antoine. Dommage ! Je crois savoir que c’est pour des questions de droits d’auteurs, Frémeaux étalant ses rééditions en fonction du calendrier où les productions artistiques tombent dans le domaine public (ou quelque chose comme ça). Le titre de cette compilation, Jean Yanne et ses interprètes : 1956-1962 nous laisse cependant espérer qu’une deuxième compile pourrait sortir chez Frémeaux d’ici quelques années. Par ailleurs, deux autres productions vintage de Jean Yanne sont révélées ici : 2 titres d’Aladin et ses joyeux lampistes, Loukoum et Mustapha ; pas pu les entendre mais sûrement très bonnes. Ainsi qu’un titre avec Bob Azzam, Le twist est en baisse (1962), mais où une fois de plus, Jean Yann n’intervient que sur des passages parlés.


Dernier coup de rock important à connaître, concernant Jean Yanne : il est l’auteur des textes de deux titres d’Hector (& ses Médiators), légendaire rocker excentrique de Paris, en 1963 : Je vous déteste et T’es pas du quartier (merci à Wikipedia pour ces infos !), excellents titres mais qui ne sont pas pris en compte sur les différentes compilations CD.


PS : Concernant les années de sorties de disques signalées dans cet article, elles sont bonnes à un an près, car le livret de mon CD indique presque toujours une date antérieure d’un an à celles qu’on peut trouver sur les différents sites du genre Discogs.




 



samedi 14 septembre 2024

Cliff Richard : Blue turns to grey (Columbia, 1966)

 


Cet été j’ai trouvé sur un vide-grenier quelques 45tours 2-titres de Cliff Richard and The Shadows, dont l’un est particulièrement bien : Blue turns to grey. Une chanson rock très pop, avec une bonne mélodie et une bonne dynamique. J’ai vite vu que je connaissais déjà ce morceau, dans une autre version, mais laquelle ? Peut-être bien en français : une chanteuse sixties, comme Pussy Cat ? Ou bien un enregistrement rare des Beatles (sur une des compiles CD que m’avait prêtées mon copain André) ?

J’ai fini par trouver, en cherchant sur Google avec le titre + « french cover » qu’il s’agissait d’une reprise de Ronnie Bird. Bon sang mais c’est bien sûr ! Le titre français est Ça n’est pas vrai, sur le EP orange et jaune de 1967, qui contient aussi la fabuleuse chanson N’écoute pas ton cœur (je n’ai pas ce collector, bien sûr, mais on retrouve ces morceaux sur la plupart des compiles CD ou LP de Ronnie).


Par contre j’ai aussi découvert que la version originale de ce morceau était l’œuvre des Rolling Stones ! C’était pourtant marqué sur la rondelle (Richard – Jagger) mais je n’y avais pas fait attention. Bizarrement je ne connaissais pas cette version, qui ne figure que sur December’s childrens (décembre 1965) le 5ème album de la discographie US des Stones, différente de leur discographie anglaise. Mais c’est assez logique car j’ai surtout connu les Stones à travers la série française des albums « L’âge d’or des Rolling Stones » et ce titre ne figure pas dessus.


D’après Wikipedia, Blue turns to grey est d’abord sorti des février 1965, interprétée à la fois par Dick and Dee Dee et par The Mighty Avengers, sur ce qui semble être une seule et même version instrumentale. Et les Stones n’en ont enregistré leur propre version qu’en septembre 1965 ! Mais la version la plus populaire va être celle de Cliff Richard, sortie en 1966 et qui cartonnera dans les hit-parades de plusieurs pays (N° 15 en Angleterre). Sa version est beaucoup plus pop que celle des Stones et elle ressemble plutôt à du Beatles. Celles des Stones est une balade plus lente et nostalgique, mais très belle aussi. Elle ne sortira sur le marché anglais qu’en 1971, sur la compilation « Stone Age » !


Et en réécoutant la reprise de Ronnie Bird, on voit très clairement qu’il a repris la version de Cliff Richard, avec ses superbes arrangements façon beatlesiens et non celle des Stones, ce qui est amusant vu qu’il était plutôt dans la mouvance Stones que Beatles. En tout cas sa version est aussi bonne que celle de Cliff, ce sont mes deux versions préférées de ce morceau.

Enfin, j’ai enfin découvert que les Flamin’ Groovies avaient également sorti une reprise de Blue turns to grey, en 1978, sur l’album Now, que je ne connaissais pas. Et pour le coup, celle-ci est clairement dans la lignée de celle des Stones, sans doute encore plus lente et nostalgique. Un choix qui peut surprendre, une fois de plus, vu le culte voué aux Beatles par Chris Wilson et le tournant pop sixties pris à partir de son arrivée dans ce groupe en 1976.


Tout ça nous fait quand même six versions différentes de ce morceau… mais j’en ai trouvé encore deux autres sur Youtube. L’une par un obscur groupe grec en 1967, Stan Oberst with The Loubogg, assez proche de la version Cliff Richard, rien d’exceptionnel. Et une autre plus étonnante, une version orchestrale façon George Martin (avec des chœurs, du cor anglais et du xylophone !) jouée par The Andrew Oldham Orchestra sur l’album The Rolling Stones songbook, sorti dès 1965 (Oldham qui était le manager des Stones).


PS : la face B de ce 45tours de Cliff balance bien aussi, c'est Somebody loses, ça sonne un peu comme du Everly Brothers. 

samedi 24 août 2024

Edouard DULEU (1909-2001), accordéon

 


C’est un accordéoniste qui a sorti pas mal de disques, dès les années 40 sur 78tours, puis sur microsillons dans les années 50 et 60 et 70. Ce n’est pas extraordinaire mais il y a plusieurs morceaux bien sympathiques ; j’ai quelques EP de lui.

Il a fait une belle version du standard Love in Portofino (A San Christina), boléro, sur 45t Philips (Danse-accordéon 45 N° 2 « Bon pour la danse »). Belle pochette, avec une bande de boutons jaunes sur fond vert.

Sur le EP N° 18, Protégez-moi seigneur, tout est bon : la chanson titre (Poderoso senor) extraite de la BO du film « Le goût de la violence » est un boléro assez sympa. La reprise de Navarone est marrante (bon, ça reste une marche, qui ne vaut pas la version ska des Specials, bien sûr). Ma préférence va aux deux valses, qui ont de très belles mélodies : Il y a des musiques et Si, mon amour (Sommer in palma).

Sur le EP N°8, encore des musiques extraites de films mais pas évident de bien comprendre quel morceau est tiré de quoi. Port-aux-Prince est un mambo que j’aime bien, j’en connais d’autres versions. D’après la pochette, il viendrait d’un film titré « La fête aux chapeaux » mais d’après ce que je sais, c’est simplement une chanson de Gloria Lasso, dont le titre est La fête aux chapeaux, mais dont certaines reprises portent le nom de Port-aux-Prince. En face B, ce sont des morceaux du film L’Auberge fleurie (aussi appelé L’Auberge en folie – 1957), dont un chouette boléro : Partout. Par contre, la valse Que sera sera, qui ouvre le EP et lui donne son titre, est assez gnangnan ; elle est extraite du film L’homme qui en savait trop.

Sur le EP N°4, un titre remarquable : une reprise de Mambo italiano. Ce n’est pas la meilleure (voir pour ça Marino Marini) mais elle est jouée sur rythme assez original et rapide. Elle est suivie par un baïon qui est pas mal : Tchi-tchi-ou-tchi.

Sur le EP N°3 (toujours chez Philips) on trouve une bonne version du "tango arabe" Sidi-Bel-Abbes chanté à l’origine par Henri Genès. Par contre la version d’Istamboul est un peu décevante : ça swingue et c’est assez virtuose, mais pour moi ça ne sonne pas du tout rock and roll ou cha-cha comme d’autres qui sont bien meilleures (par Bob Azzam ou Staiffi et ses Mustafa’s, par exemple) ; ça offre quand même une alternative originale.



J'ai dû voir d’autres disques de Duleu en brocante, sans doute des 33tours des années 70, mais pas retenus car ça avait l’air plutôt mauvais. Le site Encyclopédisque signale un 45t qui daterait des 70’s et ne serait pas sur Philips, mais sur Musicora : La marche des chauves. Et en effet on en voit quelques autres de ce label ici ou là sur Internet.

Wikipedia signale qu’il était copain avec Georges Brassens et André Verchuren et que son prof d’accordéon fût le père de Charles Vestraete, autre illustre accordéoniste de sa génération. Mais contrairement à d’autres, Duleu a très peu touché au rock, il était né un peu trop tôt je pense.

Sur Youtube, on ne trouve de lui que du musette traditionnel, à part ce titre, Habanera, un beau boléro : https://www.youtube.com/watch?v=dsS29IIDDu0


samedi 20 juillet 2024

Nick Wheeldon & The Living Paintings : Waiting For The Piano To Fall (Le Pop Club Records, 2024)

 


Ah, Nick Wheeldon ! Cet album est le plus récent d’une déjà longue série, Nick multipliant inlassablement les projets, année après année, sous divers noms de groupes qui brouillent un peu les cartes. Mais ne nous y trompons pas, il est très productif… et inventif ! En toute logique, comme pour Bob Marley ou d’autres, son nom personnel a fini par s’imposer pour qualifier ses projets (Bob Marley & The…, Nick Wheeldon & The…) mais il continue à jouer collectif, n’étant pas du tout du genre prétentieux. D’ailleurs on se demande comment il fait pour réunir quasiment chaque année un nouveau groupe d’excellents musiciens français, dont on n’avait pas forcément entendu parer avant et qui l’accompagnent admirablement sur ses albums et sur scène. C’est le cas avec les Living Paintings comme ça l’était avec les Demon Hosts l’année dernière, ou avant avec les Necessary Seprations, 39th & The Nortons ou encore avec Os Noctambulos, groupe qui vit toujours même si en stand-by ces derniers temps.

Nick est arrivé en France vers 2012 avec Coline Presley, une fan de garage-rock originaire du Mans, passée par Paris puis par Sheffield, où ils se rencontrèrent. Dès leur installation à Paris, ils fondent Os Noctambulos avec Baldo (batterie) et Valentin (lead guitare), tandis que Coline tient la basse et Nick la guitare rythmique et le chant. C’est du garage rock très sixties et mâtiné de surf music, excellent ! Ils seront plus tard rejoints par le talentueux Chris Bartlett à la pedal steel guitare et publieront plusieurs albums et quelques 45 tours (tous sur vinyl sauf un sur K7 mais qui sera réédité en 25cm).

Cependant, Nick diversifie rapidement les projets, avec 39th & The Nortons, excellent groupe, un peu plus orienté pop qu’Os Noctambulos et auquel participera Jaromil Sabor, un musicien de Bordeaux qui vaut le détour lui aussi. Puis avec The Necessary Separations, plus orienté country et folk (c’est là où il rencontre Chris Bartlett). Ces deux projets sont tout aussi intéressants que le premier. Parallèlement, Nick assure aussi, dès ses débuts en France, des sets en solos (guitare-chant), un exercice périlleux mais dont il se tire de tire de mieux en mieux, n’arrêtant pas de progresser dans son jeu de guitare comme dans son chant et avec une présence scénique indubitable !

D’où l’aboutissement vers des albums « solo » sous son propre nom, même si toujours accompagné, à partir de 2021 avec un premier album intitulé Communication problems, par « Nick Wheeldon & Friends », composé en un seul jour et enregistré avec divers amis pour chacun des 11 titres qui le composent. Mais d’autres projets émaillent son parcours, dont un album avec Alizon en 2018 (Nick & Alizon) ou encore avec Vincent Vauchez au sein de Domo Komo en 2020 (album Bugs) et sa participation au groupe Les Soucoupes Violentes, à la basse, pendant quelques années. Mais cette liste de collaborations est loin d’être exhaustive… Le mieux est de se reporter à sa page internet, très complète : https://nickwheeldon.com

Son album Gift en 2022 est particulièrement réussi et il obtient (entre autres articles de presse) les honneurs de Rock & Folk qui le désigne comme album du mois en 2022 (une rubrique habituellement réservée aux grosses pointures poussées par les maisons de disques et qui ne me parlent pas d’habitude ; mais pour une fois, j’adhère à 100% à leur choix).

Il est donc suivi cette année par Waiting For The Piano To Fall, un album moins évident et dans lequel j’ai plus de mal à entrer, mais toujours très beau, avec du piano, du chant en duo, plein d’harmonies et divers arrangements. Présentation à la Mécanique Ondulatoire (Paris, 11e) vers mars 2024, avec un set un peu plus rock & roll que l’album, avec deux guitares et toujours ce chant intense et abrasif de Nick. Puis j’ai l’occasion de revoir le groupe début juillet, à L’International (Paris 11e), sans le deuxième guitariste, mais avec un vrai piano acoustique qui sonne magnifiquement bastringue et un violoniste (présent sur l’album mais pas à la Mécanique). Le son global est excellent, les musiciens aussi, tous, pour une prestation intense et avec un son assez acoustique mais très plein, très chaleureux, de la haute voltige ! 

Du coup je réécoute plus attentivement l’album à la maison et s’en dégagent quelques morceaux particulièrement attachants, comme They’re not selling flowers around here anymore, ou surtout Oh ! Surprise, qui m’a interpellé dans sa version live à l’International. Des mélodies très efficaces et entêtantes ; c’est du travail très fin, de l’orfèvrerie (pour reprendre un cliché souvent appliqué à propos de Love ou des Zombies, mais c’est justifié) ! Idem pour Black Madonna, qui ouvre magnifiquement la face B. On est beaucoup plus dans la douceur et la nostalgie que sur les albums d’Os Noctambulos (plus garage rock) mais c’est tellement beau que ça passe terriblement bien (car le folk reste quand même un genre très casse-gueule, surtout en France – bon, ça tombe bien, Nick est anglais). Sur le morceau titre, Waiting For The Piano To Fall, encore une excellente partie de basse et des arrangements qui me font penser au 3ème album des Allah Las. Mais sinon, questions références, Nick me rappelle de temps en temps John Lennon ou Bob Dylan (excusez du peu) ! Evidement, Nick possède bien d’autres influences et les miennes sont assez limités, notamment dans le domaine de la pop indé et du folk ou de la country, mais bon, en tout cas, il soutient la comparaison avec quelques-uns des musiciens les plus illustres.

Et bien sûr, il est déjà sur le point de sortir encore un nouvel album, comme toujours ! On a du mal à le suivre mais c’est tant mieux ! Pourvu que ça dure - et c’est bien parti pour… Si vous le voyez annoncé en concert près de chez vous, ne le ratez pas, vous direz sans doute un jour à vos enfants : « j’y étais » !




 

 

jeudi 6 juin 2024

Franklin Boukaka - L’immortel - The 60’s Rumba revolution in Congo (Frémeaux, 2023)


Très bonne compilation en 3 CD sur Franklin BOUKAKA, un musicien important de la République du Congo dans les années 60. Il est mort très jeune, tué lors d'un putsch militaire en 1972.

Le premier des 3 CD est consacré à son album le plus connu, Le Bucheron, enregistré et produit avec Manu Dibango en 1971. C'est pas mal mais ce n'est pas le meilleur.

Les deux autres CD recèlent des enregistrements plus anciens, de 1965 à 1970, notamment avec l'orchestre Cercul Jazz. Cela sonne très bien, un groove soul africain comme celui qu'on peut retrouver sur les compiles du Label Analog Africa. Plein de guitares, très mélodique. Le chant est souvent en congolais, mais aussi parfois en français,  comme sur l'excellent titre "Les Ecoliers" ou encore sur "Les Brazavilloises" (CD N° 2).

Le livret de ce coffret CD renseigne sur le parcours de Boukaka, mais explique aussi comment des proches et des passionnés ont pu retrouver divers 45tours ou enregistrements, conservés ici et là, afin de les sauver de l'oubli par cette édition, très complète (58 titres).

Un petit aperçu sonore à écouter ici (Pont sur le Congo) : 


Une chronique d'un 45t de cet artiste a été faite sur le site Vivonzeureux de l'ami Pol Dodu en 2015 :

https://vivonzeureux.blogspot.com/2015/04/franklin-boukaka-mbongi-ya-mbamba.html



lundi 20 mai 2024

Au Bonheur des dames : Mâche des Malabars (Philips, 1973)

J’ai trouvé récemment ce 45tours que je n’avais pas, des excellents Au Bonheur des Dames, dont j’aime le premier album 33t, Twist, depuis mon enfance. Mais dès l’écoute du 45tours, j’ai senti qu’il y avait un truc bizarre : ce n’était pas exactement la version dont j’avais l’habitude. J’ai alors réalisé que dans celle-ci, on mâche des Malabars alors que sur l’album, on mâche « de la gomme » ! Et un coup d’œil aux dates d’enregistrement, sur l’étiquette de mon 33t, confirme le truc : tous les titres ont été enregistrés en 1973, sauf le premier de la face A, Mâche de la gomme, qui date de 1974 ! Et c’est là que je découvre, sur Discogs, qu’il y a eu 2 pressages de l’album Twist, un en 1973 avec Mâche des Malabars et un en 1974 avec Mâche de la gomme !

On imagine facilement que l’entreprise des chewing-gum Malabar a dû exiger qu’on n’utilise pas le nom de leur marque déposée, ce qui a obligé les joyeux drilles à retourner au château d’Hérouville pour enregistrer une nouvelle version. Mais après tout c’est tant mieux, car je trouve que la phrase sonne mieux avec gomme, en une syllabe, au lieu de deux syllabes pour Malabar. Et en plus, ils ont dû refaire la musique qui est légèrement mieux, à la fois plus nerveuse et plus orchestrée.

Concernant la face B, elle contient Détonateur rock, autre excellente compo de Ramon Pipin, plus rock, alors que la face A est plus jazzy. Super paroles, marrantes et sonnant très bien. Même version que celle de l’album, cette fois. En tout cas l’album Twist mérite d’être écouté en entier, car il ne contient quasiment que des bons trucs, dont l’excellente reprise des Pingouins : Oh les filles ! qui fit un gros tube à l’époque. Cette chanson existe aussi en 45tours, avec une très bonne face B, plus sauvage : Ego Dames (titre également présent sur l’album). Ça devait être vraiment marrant de voir ce groupe à l’époque, une tribu improbable d’héritiers des Mothers of inventions et des Charlots, jouant du twist et rockabilly à contre-courant de l’époque, en pleine période de folk et rock progressif.

 Mache des malabars : vidéo

Chroniques de musiques : encore et toujours…


Bonjour à vous qui passez par là, 

Voici quelques disques de ma réserve spéciale,

Je les aime, je les partage.

Chauffe, Marcel !

Jean Yanne : Chansons et sketches (Barclay, 2003)

  Je connaissais Jean Yanne, comme tout le monde, depuis à peu près toujours (j’étais juste assez grand pour voir Deux heures moins le qua...